Appel à contribution

Le présent appel à communication s’adresse à la fois aux géographes, aménageurs, urbanistes, politistes, économistes, philosophes, anthropologues,sociologues… qui abordent les questions de genre, de société et d’espace dans leurs recherches. Il favorise également les travaux de recherches en lien avec les collectivités territoriales, les organisations internationales, les Organisations Non Gouvernementales, les associations, les bailleurs sociaux, les partenaires socioprofessionnels. Il invite fortement  les jeunes chercheur(e)s à proposer des communications et/ou posters relatifs à leurs travaux de thèse en lien avec le présent appel à communication.  Les propositions scientifiques présentant une écriture cinématographique (films, vidéos) sont d’autant plus intéressantes lorsqu’il est question d’une spatialisation des rapports de genre ; elles auront leur place dans la biennale. Des publications (ouvrage collectif, revues) sont prévues pour les articles qui s’inscriront au mieux dans les questionnements et les perspectives déclinés ci-dessous.

Dates-clés

Envoi des résumés,  date limite : 22 mai  2012 sur cette plate-forme (onglet Déposer)
Retour aux auteurs : 29 juin 2012
Les textes (30 000 signes) sont attendus pour le 10 octobre 2012.


Trois  questions principales guideront ce colloque :

•    Du point de vue théorique : en quoi la dialectique masculins/féminins du rapport à l’espace peut-elle trouver dans « l’intersectionnalité » (le genre, la classe, la race, la sexualité, l’âge) un nouvel horizon ? Comment les pratiques, les processus  de domination et/ou de différenciation (sociales, sexuelles, spatiales) constituent-ils des agencements singuliers aux lieux, aux territoires, aux temps ? Quelles nouvelles normes ou catégorisations de genre liées à l’espace se construisent ou a contrario se dissolvent dans d’autres (en lien avec les discriminations notamment)? En quoi l’apport des théories du « care »  change-t-il notre point de vue éthique sur l’espace et la société ?

•    Du point de vue empirique et méthodologique : de quelles manières peut-on observer, représenter, expliciter le rapport au genre, à l’hétéronormatif, à l’intersectionalité dans ses expressions spatiales, temporelles, culturelles, sociales, économiques, politiques?  Quels sont les postures retenues, les corpus d’information créés et les dispositifs méthodologiques développés pour relater des rapports de genre à l’espace ?

•    Du point de vue des savoirs géographiques : dans quelle mesure les savoirs géographiques construits par l’approche de genre concernent de manière transversale des objets multiples (urbanités-ruralités-périurbanités, mobilités, tourisme, développement, territoires-territorialités, corps, cultures, minorités, ressources…) ? En quoi ils contribuent au débat pluridisciplinaire sur  les questions de  genre ? En quoi  les savoirs géographiques sur le genre permettent-ils de contribuer aux débats sur le genre dans la discipline et avec les autres disciplines ? Comment les études de genre ont-elles contribué à l’évolution des constructions conceptuelles propres à la discipline ?

Ces questions se déclineront de manière transversale dans les  trois perspectives de réflexions exposées de manière synthétique ci-dessous :

•    Perspective 1 : Genre, mouvements et circulations

Les pratiques individuelles sont révélatrices des modalités de fonctionnement et d’organisation des sujets sociaux dans leurs usages, leurs rapports aux lieux et aux temps. Les pratiques sexuées lisibles (Coutras, 1989) par les dissymétries et les hiérarchies de fréquentations, qui participent à la construction de limites, de frontières entre les espaces de pratiques des hommes et des femmes, et à la gestion des temporalités – voir  les comportements géographiques de « zapping territorial » (Friberg, 1993, Chardonnel, Louargant, 2007) – ont eu comme perspective de transcrire les rapports masculins/féminins dans la quotidienneté, explicitant de nouvelles territorialités (Louargant, 2003). Actuellement, l’analyse des mouvements révèle le caractère hybride des objets spatiaux composites dans des contextes métropolitains (Cattan, 2009, 2010). Ces derniers s’interconnectent, révélant ainsi des stratégies d’adaptation ou d’anticipation à l’évolution des contextes : métropolisation, migrations internationales (travail,  tourisme, exils, mariages). Ces comportements et pratiques de mobilités, de migrations sont potentiellement porteurs et significatifs d’hybridités (Saïd, 1983 ; Berdoulay,Entrikin, 1998), d’intersectionalité (W-Crenshaw, 1995 ; Bilge, 2010,  Marius-Gnanou, 2010) ou de métissages (Gouda, 2011), d’identités qui se déploient dans l’espace et la société.

Il est donc question de débattre de l’intérêt respectif de chaque posture dans l’observation et l’analyse de la relation de genre aux mouvements dans les pratiques de l’espace (loisirs, modes d’habiter, du quotidien, du virtuel, etc.), des spatialités et des territorialités émergentes ou dans l’expression des territoires d’un autre genre  (Jaurand, Leroy, 2011).

•    Perspective 2 : Genre, Corps et Altérité

Les principes de domination et de pouvoir sont constitutifs des rapports qu’entretiennent les individus et les collectifs à l’espace, à la société. Les individus sont aussi l’incarnation d’un corps social visible dans la production des espaces et des normes (Haraway, 1991). La naturalisation des rôles sexués (Butler, 1993) a conduit à penser ces corps de manière hétéronormative, en occultant les effets de la sexualité dans les rapports sociaux, en instituant de fait des rapports sociaux le plus souvent hétérosexuels, patriarcaux, virils ou homophobes (Raibaud, 2007) et en reléguant les corps sexuels non fixes, non producteurs de normes de genres. Or, la géographie des sexualités (Bell, Valentine, 1995 ; Blidon, 2008) induit des détournements de regards dans la manière de construire et de parler de l’espace public. C’est bien le rapport à « l’Autre » qui est interpellé ici, celui qui exprime les bornes imposées par une société oublieuse du corps ; des sexualités des individus, qui construit un corps vu comme un « habillage spatial du refus de l'Autre » et stigmatise des minorités (Hancock, 2005, 2011, Young, 1997). Le corps est donc un enjeu géopolitique postcolonial et s’exprime dans des lieux publics, dans l’expérience, dans le rapport à la plasticité, aux frontières, à l’art et au voyage qui est une expérience du corps (Staszak, 2003, 2011). Il est d’autant plus visible et dérangeant dans l’espace public si le corps est nu (Barthe, 2003). Il interroge également la question de la santé dans la prévention, la conception de la reproduction, de l’exploitation des corps.

Ici, il est donc question de débattre de l’intérêt de la production individuelle ou collective des corps et de la sexualité dans leur rapport de genre à l’espace, aux lieux, aux temps, aux arts, aux frontières, à l’espace public.

•    Perspective 3 : Genre, fragilités et ressources

La mise en évidence de rapports de genre dans les rapports de production, de reproduction, dans  les articulations entre les rapports marchands et non-marchands (Boserup, 1970) ont particulièrement été analysés dans les Suds.  Les accès différenciés entre hommes et femmes aux compétences, aux savoirs, aux gestions des ressources environnementales, de la biodiversité (Granié, Guétat, 2005, 2008), aux ressources économiques et culturelles (Bensahel, Louargant, 2005) ont montré les impacts, les effets et les transformations des rapports de genre sur les territoires, en identifiant l’émergence de nouvelles capacités, de nouveaux rapports sociaux et spatiaux. Par ailleurs, les apports des travaux sur les rapports de genre en relation aux formes de travail et à l’industrialisation (Hanson, Pratt, 1995 ; Massey, 1995) ont ciblé de manière accrue les impacts spatiaux de la division du travail en termes d’inégalités, au regard des effets de genre et des effets de classe. Or, dans le contexte post-industriel actuel, la reproduction des inégalités de genre, de race, d’âge et de situation socioéconomique (Mac Dowell, 2011) pose avec une acuité contemporaine un dilemme redistribution/reconnaissance et la question de la justice sociale dans nos sociétés (Fraser, 2005 ; 2010). Cela suggère de manière explicite et implicite de s’intéresser à la façon dont les rapports aux masculins et aux féminins s’expriment dans leur capacité à se recréer ou à refaire du lien entre les genres et entre les individus. Le récit du développement est ambigu, car il est porteur d’une vision du progrès à la fois social (dans sa dimension émancipatrice) et technique (notamment discuté aujourd’hui autour de l’idée de soutenabilité). L’incorporation d’une catégorie de discours, d’un récit émancipateur par les institutions internationales et inscrit dans les théories du développement humain pensé en termes de bien-être (Amartya Sen, 1987, 1992), ont eu pour objet de montrer les capacités d’agir des femmes en réseaux et la transformation du masculin dans le champ du développement et de l’action : participation, empowerment, micro-crédits (Marius-Gnanou, 2003 ; Louargant, 2003). Les rapports masculins/féminins peuvent en être modifiés, posant d’ailleurs autant la question de la dynamique des féminités que des masculinités, lorsque  les rôles de chacun et chacune évoluent dans le champ du développement et de l’action.

Il est donc ici question de débattre de l’intérêt d’expliciter avec une nouvelle vue les rapports, les apprentissages genrés face aux vulnérabilités et aux fragilités (économiques, environnementales, culturelles, sociales, etc.), quelles soient urbaines, rurales, périurbaines, métropolitaines ou environnementales, présentes sur les territoires des Nords et des Suds. Il peut s’agir également de situer comment ces fragilités s’expriment dans les espaces publics par des interfaces sociétales (art, publicité, médias), dans leur prise en considération dans les politiques publiques, urbaines et territoriales et dans la construction d’un projet émancipateur ou de mobilisations traduisant les formes de  citoyenneté en acte.


Responsable scientifique : Sophie Louargant, Maître de conférences, géographie et aménagement du territoire, UMR PACTE, CNRS 5194, GRENOBLE.



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